(janvier 2021)
(décembre 2020)
(juin 2021)
(aoüt 2021)
NO MAN’S LAND : n. m. inv. (1915: expression anglaise « terre
d’aucun homme ») 1. Zone comprise entre les premières lignes de
deux armées ennemies. PAR EXT. Zone frontière entre deux postes
de douane de nationalité différente. 2. FIG. Terrain neutre. – Zone
d’incertitude, du domaine de l’inconnu.
(Le nouveau Petit Robert, 2008)
«Je ne m'appelle pas Kilani », se répétait dans sa tête le petit protégé d'Adam.
Si seulement je pouvais lui raconter, il saurait tout alors. Je lui parlerais des
cauchemars que je fais régulièrement depuis que je suis arrivé dans la Jungle.
Je garde pourtant ce carré de tissu, un morceau d'une robe de ma mère, à qui
je demande d'éloigner les mauvais esprits. Je sais qu'elle veille sur moi et que
je suis dans ses prières, mais parfois, les mauvais esprits sont les plus forts.
Ce sont comme des démons qui attendent la nuit pour me remontrer les images
que je veux oublier. Je sais que ces démons attaquent aussi Adam. Je l'entends
supplier dans sa tente pour qu'ils le laissent tranquille, se taper la tête contre le
sol pour ne pas y penser. Il dit Nora. II dit Maya. Une nuit, je l'ai même vu
frapper à mains nues jusqu'au sang contre le tronc d'un arbre, puis se laisser
tomber au sol et fondre en larmes. Certains souvenirs sont des brûlures et ces cauchemars n'épargnent personne.
Olivier Norek, Entre deux mondes, Edition Michel Lafon, 2017 (p.180)
Passagers du désespoir, qui sont ces ombres qui errent entre nos frontières ?
Et que fais-tu, Adam, dans ce pays qui n’est pas le tien ?
Où vont tous ces migrants, perdus entre deux mondes, comme des fantômes errant en bordure de la ville ?
NO MAN’S LAND
Territoire oublié
Entre Occident et Orient
Étrange écluse à mi-chemin des morts et des vivants
Comme un faubourg aux berges de la liberté
Zone de non-droit
Patrie des apatrides
Grandie à l’ombre de notre bonne conscience
La jungle de Calais !
Ce livre n’est pas une claque, c’est un coup de poing dans la figure qui nous rappelle le sort que notre société occidentale, civilisée, propre et polie, a réservé à celles et ceux qui avaient eu le tort de ne pas être nés dans le bon pays.
Elle raconte avec ses mots. Des mots simples et compliqués à la fois. Elle raconte son histoire. Une histoire douloureuse et belle.
Elle s'appelle Rose. Rose tout court. Elle est pauvre et sa vie est misérable. Elle a quatorze ans et sa vie va basculer.
Franck Bouysse nous emmène dans un monde hors du temps, et pourtant tellement réaliste; et nous suivons le parcours difficile d'une héroïne fascinante, piégée par un destin tragique et émouvant.
"Je sens bien que j'ai fini de vider mon sac de mots qu'il m'en a
manqué pour vraiment dire les choses comme je les ressentais au
moment où je les ressentais, que des fois ceux que j'utilise collent
pas exactement, que j'aurais besoin d'en connaître d'autres plus
savants, des mots avec plus de choses dedans. Les mots, j'ai appris
à les aimer tous, les simples el les compliqués que je lisais dans le journal du maître ceux que je comprends pas toujours et que j'aime quand même, juste parce qu'ils sonnent bien. La musique qui en sort souvent est capable de m'emmener ailleurs, de me faire voyager en faisant taire ce qu'ils ont dans le ventre, pour faire place à quelque chose de supérieur qui est du rêve. Je les appelle les mots magiciens : utopie, radieux, jovial, maladrerie, miscellanées, mitre, méridien, pyracantha, mausolée, billevesée, iota, ire, parangon, godelureau, mauresque, jurisprudence, confiteor, et tellement d'autres que j'ai retenus sans effort, pourtant sans connaître leur sens. Ils me semblent plus légers à porter que ceux qui disent. Ils sont de la nourriture pour ce qui s'envolera de mon corps quand je serai morte, ma musique à moi. C'est peut-être ce qu'on appelle une âme. Ces mots, je voudrais les emporter jusqu'au bout, gravés dans les feuilles de mon cahier, bien mieux que des initiales sur un rocher. J'ai la mémoire de ces mots qui fabriquent un monde rien qu'à moi, et qui d'habitude suffisent à me transporter loin d'ici, loin de mes souvenirs aux Landes, loin de mon petit perdu. D'habitude."
Franck Bouysse, Né d'aucune femme, La Manufacture de livres, 2019 (p.267).
Petit roman percutant.
C'est le récit, émouvant par sa sobriété, d'un père un peu perdu face à ses deux grands garçons.
C'est aussi l'histoire d'une région de France touchée par la désinstrualisation et le désenchantement.
C'est un petit conte incisif, tendre et amer.
C'est la relation d'un dérapage attendu et tellement imprévisible.
C'est une réflexion sur l'engagement politique, sur la désillusion, sur les rapports entre un père et son fils...
La Grèce n'est plus. Rachetée par une multinationale pour la transformer en un immense dépotoir.
Zem Sparak, exilé dans l'immense Magnapole, rêve pourtant de revenir un jour dans son pays. Cependant son destin semble irrémédiablement dicté par les puissantes forces du pouvoir.
On y retrouve dans ce roman toute une série d'ingrédients qui peuvent faire le succès (et l'intérêt) de la dystopie: inégalités sociales exacerbées, violences urbaines, atmosphère post-apocalyptique, pluies acides, transhumanisme, société totalitaire qui parvient à imposer ses lois, sexualité vécue sans sentiment comme un moyen de se délivrer du stress moderne, appât du gain et réalisme politique des dirigeants, miroir aux alouettes des jeux de hasard,...
Une belle odyssée futuriste pour les amateurs du genre...!