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L'allitération

Allitération

L'allitération est fondée sur la répétition d'une consonne identique ou de plusieurs consonnes proches par leur sonorité. La plus connue est certainement cet alexandrin extrait de la pièce de Racine, Andromaque:

 

"Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes?"

Le procédé était déjà utilisé en latin, comme on peut le lire (avec la répétition de "t") dans le début des Bucoliques de Virgile:

Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi,

Silvestrem tenui musam meditaris avena 

Par ailleurs, bon nombre de phrases qu'habituellement on utilise comme exercices d'articulation sont basées sur des allitérations. Ce sont ce qu'on appelle des virelangues constituées de locutions, créées pour le plaisir du son, dont la prononciation est rendue plus difficile en raison de la répétition de certaines sonorités.

Exemples parmi d'autres:

 

Les chaussettes de la duchesse sont-elles sèches ou archi-sèches

 

Ah pourquoi Pépita, sans répit m'épies tu? Dans un pré Pépita, pourquoi te tapies tu? tu m'épies sans pitié, c'est piteux de m'épier...de m'épier Pépita, pourrais tu te passer ?

On peut en découvrir également dans les romans:

"Ce passage a trente pas de long et deux de large ; il est pavé de dalles jaunâtres, usées, descellées, suant toujours une humidité âcre ; le vitrage qui le couvre, coupé à angle droit, est noir de crasse." Emile Zola (Thérèse Raquin)

 

C'est pourtant en poésie et dans la chanson que l'on retrouve le plus souvent l'allitération. Quels que soient les courants et les époques, les poètes n'ont pas hésité à employer cette figure de style:

"Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre" François Villon (La ballade des pendus)

"Mignonne, allons voir si la rose (...)
point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil."
             Pierre de Ronsard (Ode à Cassandre)

"Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte,

Viens me venger. (…)

Va, cours, vole, et nous venge."        Pierre Corneille (Le cid, I, 5)

Il est de forts parfums pour qui toute matière

Est poreuse. On dirait qu’ils pénètrent le verre.

En ouvrant un coffret venu de l’Orient

Dont la serrure grince et rechigne en criant,   Charles Baudelaire (Le Flacon)

 

"Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend."
     Paul Verlaine (Mon rêve familier)

"Des blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.   Mallarmé (Apparition)

Qu’est-ce qui flambe file fume… Ce brasier du bronze et des brumes  

Aragon (Le roman inachevé)

 

« J'avoue j'en ai bavé pas vous, mon amour ;

Avant d'avoir eu vent de vous mon amour…
À votre avis qu'avons-nous vu de l'amour ?

De vous à moi vous m'avez eu mon amour
Hélas avril en vain me voue à l'amour ;

J'avais envie de voir en vous cet amour
La vie ne vaut d'être vécue sans amour ;

Mais c'est vous qui l'avez voulu mon amour »

Serge Gainsbourg, (La javanaise)

"On nous prend faut pas déconner dès qu'on est né
Pour des cons alors qu'on est
Des
Foules sentimentales" 

Alain Souchon (Foules sentimentales)

 

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(Janvier 2021)

Contrepèterie

La contrepèterie (ou l'antistrophe)

C'est François Rabelais qui passe pour être l'inventeur de la contrepèterie, procédé qui consiste à faire permuter les lettres ou les syllabes d'un mot (ou d'une phrase) afin de faire naître un autre sens... 

 

"(Panurge) disoit qu'il n'y avoit qu'une antistrophe entre femme folle  à la messe et femme molle à la fesse." (Pantagruel, Chapitre XVI.)

"Cette femme est une lieuse de chardons." François Rabelais (encore lui)

Bien souvent, les contrepèteries cachent (ou révèlent) des propos graveleux. Même dans les textes de grands auteurs classiques, les amateurs de contrepèteries peuvent découvrir l'un ou l'autre message grivois, sans que l'on puisse affirmer avec certitude qu'ils soient volontaires ou non. 

 

"Cet homme, s'il rencontre une femme, veut plaire

Tombe à genoux, adore et tremble, et ce vainqueur 

Du destin est toujours le vaincu de son cœur."  Victor Hugo (Les quatre vents de l'esprit)

"J'aime le son du cor, le soir, au fond des bois" Alfred de Vigny (Poèmes antiques et modernes)

"Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses

Ta tête se pavane avec d'étranges grâces" Charles Baudelaire (Les Fleurs du mal)

Les surréalistes, évidemment, ont offert de nombreux exemples de contrepèteries.  

"Martyr, c'est pourrir un peu." Jacques Prévert (Paroles)

"Rrose Selavy* connaît bien le marchand du sel." Robert Desnos (Corps et biens)

"Aimable souvent et sable mouvant" Robert Desnos (Corps et biens)

"Alerte de Laerte

Ophélie

Est folie

Et faux lys:

Aime-la

Hamlet!"     Michel Leiris (Bagatelles végétales)

* Rrose Selavy est un pseudonyme employé par Marcel Duchamp. Robert Desnos prétendait pouvoir entrer en communication avec lui lorsqu'il était en état d'hypnose. 

(décembre 2020)

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